Trois pigeonniers-tours disparus

Un petit patrimoine disparu de Saint-Martial trois pigeonniers-tours

Les colombiers ou pigeonniers  sont une composante des paysages du Périgord. Au moyen-âge, la possession d'un pigeonnier était un privilège seigneurial. Néanmoins,  en Aquitaine ce privilège est tombé en désuétude bien avant la Révolution Française. Le pigeonnier est resté un signe de richesse car sa grandeur dépendait de la superficie en culture de céréales du domaine. Ainsi, un trou de boulin (niche à pigeon) correspondait à un arpent de terre, soit environ un demi hectare (cette valeur varie quelque peu d'une région à l'autre). Dans la pratique, le pigeonnier était utile à plusieurs choses:

- La production de pigeonneaux dont la chair était très prisée.
- La production d'engrais appelé "colombine", riches en azote et en acide phosphorique,  qui servaient à la fumure des cultures exigeantes  
- Les pigeons servaient également au dressage des faucons pour la chasse.

Leur emplacement était choisi loin des grands arbres qui peuvent abriter des rapaces et à l’abri des vents dominants et leur construction obéissait à quelques règles de sécurité pour interdire la montée des prédateurs (fouines, belettes…).

Saint-Martial-d’Albarède possédaient plusieurs pigeonniers malheureusement disparus ou très endommagés. Trois pigeonniers présentaient une situation singulière : il s’agissait de pigeonniers tours dans ou à proximité immédiate de la vallée de la Loue, et, plus encore, à proximité immédiate d’un moulin. Si les pigeonniers relevaient habituellement d’un château ou d’une grande exploitation agricole, ils pouvaient parfois appartenir à  un moulin seigneurial. Les pigeonniers de section ronde, assez fréquent dans la région, sont souvent du 17e ou 18e siècle et sont construits sur des terres seigneuriales.

Le pigeonnier de Liaurou
est signalé dans les arpentements du XVIIIe siècle et toujours mentionné dans le plan cadastral napoléonien. Il était situé

entre la maison de Liaurou et  la Loue (qui forme à cet endroit une boucle). Dans les descriptions, il est parfois  associé au moulin de Liaurou situé un peu en aval. Sous l’ancien régime, le pigeonnier appartenait aux Lestrade de La Cousse. En 1745, « la terre sous Liaurou dans laquelle est un pigeonnier » appartient aux Guilhen de la Gondie. Sa désaffectation remonte à une période ancienne. Bernard Dubreuil n’a pas le souvenir de la présence de ruine de ce pigeonnier. Une noyeraie  occupe aujourd’hui la terre du pigeonnier.

Le pigeonnier des Farges
était situé juste au dessus du moulin, à main gauche en sortant des Farges pour rejoindre la Reymondie. Le pigeonnier dépendaient du moulin des Farges (appelé encore moulin de Saint-Martial) qui appartenait lui-même au domaine du château d’Excideuil jusqu’en 1772.

a cette date, un procès verbal d’état des lieux, à la demande de Jean Joudinaud,  mentionne «  un petit pigeonnier » qui était déjà « ruiné ».

Le pigeonnier de la Reymondie,
situé à main droite sur la voie communale n°9, entre la Cate et Tabary,   est encore partiellement debout malgré un effondrement du toit de lauze et d’un  pan de mur. Il n’est pas très éloigné de l’ancien moulin de Lâge. Le pigeonnier s’élevait au milieu d’une vigne aujourd’hui remplacée par des taillis. Il appartenait au domaine de la Reymondie, fief de 1630 à 1782 des Lestrade de Bouilhen.  Auriane et Josselin, qui ont fait des relevés, m’ont indiqué que la circonférence intérieure du pigeonnier est de 10 mètres (diamètre 3,20 mètres) soit une aire de 8m². La circonférence extérieure est de 16 mètres. La hauteur totale était de l’ordre de 6 mètres. La randière (ou larmier = corniche de pierre saillante) est située à 3,50 m. de hauteur et  était constituée d’une quarantaine de pierres taillées. Cet ingénieux dispositif faisait obstacle aux prédateurs et pouvait être utilisé comme plage d’envol. Les plans sont ceux très classiques du pigeonnier rond avec des murs en pierre épais de 90 cm. Une porte et fenêtre superposée (actuellement effondrées) s’ouvraient côté sud.  Les murs intérieurs et extérieurs étaient enduits. L’enduit à la chaux était utilisé pour ses qualités de désinfectant et d’isolant thermique. Par contre, rien ne laisse apparaître aujourd’hui les boulins (nids des pigeons).

Y avait-t-il d’autres pigeonniers à Saint-Martial ? La question reste ouverte dans une démarche d’inventaire de notre « patrimoine de proximité ». Le château de Veyrieras  possédait, par exemple,  trois tours rondes isolées qui s’inséraient dans les angles de cour devant et derrière les communs. Ces tours (ou l’une d’elles), hélas toutes arasées,  étaient possiblement des pigeonniers.

Par ailleurs quelque maisons ont probablement possédé un pigeonnier « tourelle » ou un pigeonnier grenier appelé aussi "fuies".

Francis A. BODDART